© Tristan Jeanne-Valès
Enfouissement sous quelques extraits du Livre de Job
pour voix, jongle, musique, SMS et nuée de sacs en plastique
Job est atteint aux sources de son être. Que Dieu lui prenne ses enfants, ses biens et sa santé, il le comprend et il l’accepte. Mais il ne peut douter de ce qui est une évidence à ses yeux : la justice. Rongée par son mal et pourtant le surmontant, cette victime, ivre de justice et malade d’amour, se dresse face à Dieu et, par son audace, nous met tous en demeure de nous justifier.
—
À notre époque, on lit seulement des yeux, en se dispensant de prononcer les mots, pour ne pas gêner son voisin. À l’époque où fut composé Job, qu’on le murmure ou qu’on l’adresse, un texte n’était jamais lu sans être prononcé à voix haute. Comme si la voix était la seule à pouvoir donner lieu, corps, et existence au texte. Comme s’il fallait tremper le support sec dans la bouche pour faire lever le livre. J’aimerais pouvoir percevoir dans la voix qui incante, qui psalmodie, qui refuse, qui berce, qui jongle avec les strophes, encore d’autres voix venues d’ailleurs : celle d’un absent, d’un mort, d’un dieu, d’un auteur.
Dans l’Antiquité, le texte n’était noté, gravé sur support sec, que pour en sécuriser, de temps à autre, le contenu. Chaque nouveau texte en compilait des précédents. On complétait, corrigeait, glosait, comme un musicien effectuant des «variations». Un discours sur tablettes de cire ou d’argile était long à graver, encombrant à manipuler. Les dernières recherches sur l’Art de la Mémoire dans l’Antiquité, montrent que le principal support des livres était, en fait, la mémoire personnelle du récitant, utilisée, non seulement comme espace de stockage et de codage, mais surtout comme outil de la composition elle-même. Le récitant-chanteur devait savoir par coeur de longs textes. De même l’assistance voulait, même en se taisant, pouvoir retenir des formules, des images fortes, des bribes de récit. Aussi les auteurs maniaient-ils les outils de la répétition, la scansion, la rupture, l’inversion, l’affirmation et la négation, la rime, et aussi la fragmentation, le choc des mots et des images… C’est avec cet outillage que l’auteur de Job a rêvé d’une machine à saisir le problème du malheur, à l’obliger à se déplier et se déployer.
Je rêve d’une recomposition de ce Job, qui serait remastiquation par la mémoire autant que par la bouche : Retrouver le mouvement organique du texte, les pauses de son souffle, ses répétitions et ses contradictions, la résistance de sa matière, la consistance de ses images ; tenter de respirer dans le souffle de l’original hébreu ; danser un contrepoint de son rythme singulier. Ce serait l’art d’une psalmodie à reconstruire, à inventer, avec d’autres instruments, mais aussi courants pour nous que la harpe ou les trompes l’étaient pour les auteurs antiques. Trouver comment saisir à corps ce texte-Job, tel quel, rétif à nos présupposés, pour que les gens puissent venir le voir se révéler dans toute sa musique.
© Frédéric Révérend
–
ÉQUIPE ARTISTIQUE
Voix Dgiz
Voix et électronique Stéphane Pelliccia
Paillasse Jérome Thomas & Martin Schwietzke
Electronique, Synthétiseurs et spatialisation en direct Jean-Luc Therminarias
Direction Jean Lambert-wild
Musique Jean-Luc Therminarias
Assistante mnémographe Aurélia Marin
Traduction et dramaturgie Frédéric Révérend
Lumières Renaud Lagier
Scénographie Jean Lambert-wild
Assistants à la scénographie Franck Besson, Thierry Varenne
Costumes Françoise Luro
Conseiller des ombres et des mystères Benoît Monneret
Régie générale de création Claire Seguin
Régie générale Patrick Le Mercier
Régie principale de tournée Olivier Straumann
Flying et illusions Christian Cécile, Marc Antoine Coucke
Son Christophe Farion
Programmation Léopold Frey
Maquillage Catherine Saint-Sever
Décor et costumes réalisés par l’équipe de la Comédie de Caen sous la direction
de Benoît Gondouin
Constructeurs Patrick Le Mercier, Bruno Banchereau, Patrick Demière, Gérard Lenoir, Hubert Rufin, Serge Tarral
Réalisation des costumes Antoinette Magny
Equipe lumière Thierry Sénéchal, Claudio Codémo,Moeren Tesson
Production déléguée La coopérative 326
Coproduction La Comédie de Caen-Centre Dramatique National de Normandie, le GRRRANIT-Scène Nationale de Belfort, la MC93 Bobigny-Maison de la Culture de la Seine St Denis, le Théâtre de l’Agora-Scène Nationale d’Evry, La Halle aux Grains-Scène Nationale de Blois, le Théâtre de Cavaillon, l’Espace Jean Legendre-Scène conventionnée de Compiègne, Bonlieu- Scène Nationale d’Annecy, Le Volcan-Scène Nationale du Havre
ILS EN ONT PARLÉ…
« Jean Lambert-wild révolutionne décidément régulièrement nos idées sur le théâtre, paradoxalement en nous plongeant sans crier gare dans ses racines. » fragil.org / Victoire Delisle (avril 2008)
« Directeur depuis dix-huit mois de la Comédie de Caen, Jean Lambert-wild signe, sinon sa pièce la plus fouillée, du moins la plus accessible et aboutie. » Libération / René Solis (mars 2008)
« Le metteur en scène Jean Lambert-wild et le rappeur Dgiz adaptent un texte de la Bible. Ne croyez pas que vous allez écouter la Bible, avec Le Malheur de Job, présenté à la MC93 de Bobigny. Vous en entendrez bien quelques extraits, mais malaxés, rappés, slamés, jonglés et musiqués, dans un spectacle à la fois déroutant et enthousiasmant. » Le Monde / Brigitte Salino (mars 2008)
« S’il est un texte qui convient au théâtre, c’est bien Job, livre biblique sulfureux construit comme un procès. Jean Lambert-wild, directeur de la Comédie de Caen, nous en offre une actualisation âpre, aux échos d’une troublante modernité. » Les Trois Coups / Olivier Pradel (mars 2008)
« (…) transcendance et immanence, poids et apesanteur, fatalité et liberté dialoguent dans un spectacle total, fascinant d’intelligence et de beauté » La Terrasse / Catherine Robert (mars 2008)
« Qu’on ne s’attende pas pourtant à l’évocation en termes savants de terribles apories, ni de la laborieuse reprise des arides hypothèses de la théodicée leibnitzienne. » Ruedutheatre / Yoland Simon (janvier 2008)